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  • Photo du rédacteurOM IKAMI

960 grammes

Dernière mise à jour : 10 janv. 2022

D'ici quelques jours je fêterai l'anniversaire de ma naissance. Il y aura quarante deux hivers que j'ai pointé le bout de mon nez dans cette vie pour être exacte.

Ma grande sœur et moi avons eu une discussion très intéressante l'autre jour sur le fait que dans notre société, les années s'additionnaient entres elles, annulant et éradiquant ainsi l'âge précédent finalement.


"On n'a plus 20 ans!" Combien de fois avons-nous dit ou entendu cette petite phrase?

Et bien moi (et ma sœur!) aimons l'idée de concevoir l'avancée dans la vie non pas comme une simple addition mais bien comme une accumulation.


Nous sommes tous les âges! Celui de l'instant présent, ceux du passé et peut-être même ceux du futur, simultanément. La femme de 41 ans que je suis à l'écriture de ces lignes est tout à la fois encore l'enfant de 2 ans, de 4 ans, de 8 ans, l'ado de 16 ans, la jeune fille de 20 ans etc. Tous ces âges cumulés, interconnectés les uns aux autres nous offrent la possibilité de rester riche des expériences vécues tout en continuant de grandir d'autres expériences, d'autres ressentis, d'autres compréhensions qui servent ainsi l'enfant, l'ado, l'adulte que nous étions quelques années auparavant et que nous sommes toujours au final. Et tout cela sert ainsi notre "moi" futur.


C'est ce qui me permet aujourd'hui d'accueillir, d'écouter, de réintégrer en moi la jeune femme de 24 ans que je suis toujours pour me re-construire et faire émerger un futur moi plus complet.


Quand on est prêt.e, l'enseignement arrive à nous. Peu importe le nombre des années passées entre les évènements et notre capacité à intégrer notre vécu, quand on a les ressources pour en accueillir les prises de conscience, s'accueillir et se guérir, cela grandit en nous et on ose enfin la traversée.


Pour la première fois depuis très longtemps, j'ai accepté ma solitude. Pleinement. Entièrement. Sans me mentir. S'il y a bien quelque chose que cette année passée m'a enseigné, c'est que la plupart du temps c'est bien contre nous-même que nous nous battons. Fort. Très fort. On y met parfois toute notre énergie. Et je peux vous dire que cette année écoulée, j'ai résisté, je me suis vraiment battue, débattue même, jusqu'à abandonner toute résistance et me laisser mourir. Est-ce cela expérimenter le fameux lâcher-prise? Je ne sais pas. Toujours est-il que la reconstruction nécessaire et vitale qui s'en suit est l'occasion de prendre soin de moi, avec bienveillance, humilité, douceur et de me revisiter.


Un proverbe africain dit ceci : "Si le rythme du tambour change, les pas de danse doivent s'adapter".


C'est ce que je mets en place pour moi-même depuis quelques temps. Je me mets au diapason de moi-même. J'accepte le rythme qui m'est propre. Je n'essaie pas d'aller contre, de l'accélérer ou de le ralentir à ma guise aux grée de mes attentes, de mes peurs. Et pour la première fois depuis longtemps, j'accueille vraiment pleinement ma solitude, avec gratitude même. Sans me mettre aucune pression, j'ai eu l'intime conviction, l'intuition que cet espace-temps là m'était nécessaire pour poser les bases de ce nouveau cycle que j'entame. J'en suis récompensée par de belles prises de conscience.


Le corps imprime toute notre histoire. Merci à ce formidable maître enseignant! Je pratique l'énergétique depuis plusieurs années et je peux vous dire qu'à bon nombre de reprises lors de séances, mon corps s'est déchargé d'une quantité de larmes que je ne pensais même pas envisageable pour un corps humain sur le sujet que je vous dépose aujourd'hui! Se sont probablement ces libérations progressives couplées aux évènements de la vie -vachement bien fichus au final - qui m'ont amenée, petit à petit à me défaire un à un des voiles que j'avais mis en place pour me protéger et ne pas sombrer.


L'enfant, la fille, la femme, l'amoureuse voilà quelques étapes de mon voyage initiatique dans les abysses de moi-même de ces derniers mois! Maintenant, place à la mère que je suis!

Car aujourd'hui je suis enfin prête à revisiter cette étape de ma vie qui m'a fait "devenir" mère. Aujourd'hui à la veille de mon 42ème hiver me voilà prête à revisiter - enfin - l'un des plus grands chocs de ma vie.


Il y a presque 18 ans mon fils a vu le jour et il y a 18 ans, j'ai connu ma plus grande peur.


J'ai eu besoin de18 années, presqu'une majorité, pour accepter de me rendre compte de l'intensité et de l'impact que la naissance de mon enfant a eue et a encore aujourd'hui tant dans mon être que dans mon corps.

Me voilà prête à accueillir et à réintégrer dans sa globalité cette partie de moi restée sidérée, figée, cristallisée en 2004 ou je ne sais quel espace/temps.

Me voilà assurée et rassurante, capable d'accueillir la femme de 24 ans que je suis toujours.


Cela fait quelques années que je sens monter en moi l'appel de regarder vraiment en profondeur l'expérience qu'a été pour moi la naissance de mon fils. Deux ans minimum que le désir d'écrire à ce sujet se présente de manière plus régulière pour en devenir aujourd'hui viscérale. Moi qui suis habituellement à l'aise dans l'écriture, je peux vous dire que j'aurais mis du temps (et des bien des larmes) à accoucher de cet article. Je ne sais pas encore quelle en sera la forme ni ce que contiendra ce texte au final car j'ai tellement à dire que je pourrais en écrire un livre! Mais voilà, l'idée n'est pas de me réfugier derrière des détails qui bien qu'ils n'en soient pas pour moi, le seraient peut-être pour vous (non vous mettre une chanson dans la tête n'était pas volontaire...!)

Mon intention est de vous partager un processus de guérison parsemée de quelques 18 années d'étapes, de joie, de larmes, de bienveillance et d'amour.

"960 grammes".

Vous avez saisi assez rapidement que je ne vous faisais pas l'annonce d'un nouveau blog culinaire. A y réfléchir, 960 grammes ce n'est d'ailleurs même pas le poids d'un paquet de farine! Non. 960 grammes est le poids que faisait mon fils à la naissance. Mon fils est né à 6 mois 1/2 de grossesse.

Non. Il n'était pas pressé de venir. Ce n'est pas "lui" qui a déclenché un travail précoce.

Non. Nous avons dû stopper le processus en cours et le déloger de mon ventre pour que... je vive.


Mon fils a qui je devais donner la vie a failli mourir pour préserver la mienne.


Je ne peux évidemment pas écrire ces mots sans avoir un volcan de larmes qui s'échappe de mon corps. Encore. Maintenant. 18 ans après.

On ne s'attend pas à ce type de déroulement lorsqu'on se lance dans le projet de concevoir un enfant. On n'imagine pas qu'un petit être qu'on est censée porter, protéger, laisser grandir en nous durant 9 mois soit en charge au final de notre propre survie.


La vie ou la mort? De l'un, de l'autre, des deux? Voilà ce qui s'est joué en l'espace de 48 heures pour les deux futurs jeunes parents que nous étions le papa de mon fils et moi.

Je ne parle ici qu'en mon nom. J'utiliserais rarement "notre" fils parce que je délivre ma parole, mon ressenti et que ce que je choisis de livrer est intime. Nous avons été deux à vivre cette expérience enfin trois avec notre fils, enfin beaucoup plus nombreux si on compte nos familles, nos amie.s! Cette expérience a touché bien au-delà de nous c'est ce qui m'invite aussi à oser vous délivrer un petit bout de ma vie sur la toile.


J'étais enceinte quinze jours après l'arrêt de ma contraception. Jackpot! Aucune nausée. Mon corps s'était préparé, mes hanches s'étaient écartées prêtes à faire passer mon futur enfant. J'avais juste un peu d'acné et je ne supportais pas l'odeur de poisson quelques menus désagréments. J'étais en forme du moins c'est ce que je pensais.


Quelques temps avant tout cela, j'avais tout de même la sensation étrange que quelque chose n'allait pas. Je sais qu'aujourd'hui j'aurais réagi différemment face à cette intuition.

Je parlais beaucoup à mon fils, lui demandait s'il avait ce qu'il fallait, s'il allait bien... Nous apprendrons plus tard qu'il ne recevait tout ce dont il avait besoin pour grandir mais qu'il conservait l'essentiel pour son cœur et son cerveau, magique intelligence du corps!


Je n'ai senti qu'une fois mon enfant bouger dans mon ventre: le jour où son papa a trouvé son prénom! "Que penses-tu de Noé?" m'a-t-il demandé le soir du 31 décembre 2003. Se fût immédiatement un grand OUI pour moi!

C'est drôle, je ne suis pourtant pas "douée" parce que pas attachée aux chiffres, je ne retiens pas les années des évènements, quand je dis "l'autre jour j'ai vu untel" c'était peut-être il y a 6 mois mais je peux vous dire que lors de ces 48 heures de peur, j'ai revu tous les petits évènements antérieurs, les discussions, les rencontres comme autant de signes qui me disaient : "tout va bien se passer". Je les ai retenus et ils m'ont soutenus.


Comme la discussion avec un couple de client de la librairie dans laquelle je travaillais qui me demandait conseil sur des livres autour de la naissance sans violence. Ils souhaitaient pouvoir vivre l'accouchement à la maison, dans le calme, avec des lumières tamisées... je m'entends encore leur dire que de mon côté je ne refusais pas la prise en charge médicale. ça me fait sourire après coup! La femme du couple n'était pas enceinte. Moi si. Et quelques semaines après, le corps médical allait sauver ma vie et celle de mon fils.

Je revois aussi ma grande amie de collège que je ne voyais qu'une fois par an au moment de Noël encore une fois à la librairie. Nous étions restées papoter un moment et elle m'apprenait pour la première fois depuis qu'on se connaissaient toutes les deux, qu'elle et ses frères étaient nés prématurément. Il faut savoir que cette amie a des dons de clairvoyance. Si vous saviez comme notre échange m'aura soutenue! Je me suis toujours dit qu'elle avait dû recevoir un message!


Mon fils aurait-il choisi de vivre s'il n'avait pas été baptisé par son père? Mon corps s'est-il effectivement mis en alerte parce qu'inconsciemment je sentais qu'il faisait marche arrière?


Je range mes papiers et reçois un appel de ma maman me disant : "le labo a téléphoné, ne panique pas ma fille mais il faut que tu ailles de toute urgence à la clinique". BAM. Déflagration.

Début des 48 heures.


Examens, monitoring, entendre le cœur de son enfant qui bat très lentement par moment...trop lentement. Diagnostic posé: toxémie gravidique. "C'est parce que c'est grave?" ai-je dû demander. Je m'inquiétais pour mon fils, le corps médical lui se mettait en alerte pour moi. J'étais en pré-éclampsie. J'avais développé de l'hypertension et mon corps était tout rempli d'œdèmes allant affecter mon cerveau.

J'ai regardé depuis la symbolique de ce qui a déclenché cette naissance prématurée, l'hypertension : "L'une des peurs de fond associée à l'hypertension est celle de la mort. Nous avons peur qu'elle arrive avant que nous ayons pu terminer ce que nous avons à faire. Le sentiment d'urgence se développe en nous et fait encore plus monter la pression."


Vie ou mort?

"Nous verrons ce que choisira votre enfant, nous ne ferons pas d'acharnement thérapeutique." Cette phrase m'a énormément rassurée. Mon fils choisirait, je lâchais prise.


La solution était que "j'accouche" pour vivre. A 6 mois 1/2 de grossesse, les poumons de l'enfant ne sont pas encore développés. Il fallait donc que je tienne 48 heures sans mourir pour qu'on puisse m'administrer deux piqûres de corticoïdes pour accélérer la maturation des poumons de mon enfant. Merci la médecine.


J'ai tenu 48 heures. La césarienne était programmée. Amenée au bloc, mon corps tremblait tellement qu'il se décollait littéralement de la table. J'essayais tant bien que mal de me calmer ne souhaitant pas inscrire la peur dans le corps de mon fils. Anesthésie générale pour moi, attente et peur de la perte pour les êtres chers qui étaient présents physiquement et en pensées. Vie ou mort?


Mon fils est né à 08h36. Il pesait 960 grammes bien plus que les 800 grammes annoncés au départ.

Première fierté de mère.

"A-t-il crié?" a été ma première question à mon réveil. Oui il avait crié.


J'ai su alors que tout allait bien se passer.


L'une des qualités que je me reconnais aisément est mon optimisme et ma capacité à voir le bon côté des choses.

C'est ainsi que je me suis concentrée sur l'amour et le soutien reçus, sur la magie des synchronicités, sur les progrès quotidiens de mon fils et puis sur la joie de chacune des journées qui ont suivi ce choc. Participer et voir grandir ce petit être drôle, sensible, aimant dandiner de la couche sur Elvis Presley, trouver l'équilibre entre la jeune femme et la mère que j'étais devenue voilà qu'elles étaient mes priorités.


Et c'est ainsi que j'ai enfoui et laissé de côté la moitié de moi figée par ce drame.


Bien sûr, je me suis sentie fortement coupable de ne pas avoir été capable d'aller au bout pendant un long moment. Pendant longtemps dès qu'un médecin s'approchait de moi, je tremblais comme une feuille. J'ai le sentiment après coup d'avoir pallié à l'urgence et d'avoir laissé beaucoup d'évènements extérieurs à ce que je vivais dans le flou. Il y a beaucoup de choses que je n'ai pas vécues pleinement. Ma grande sœur était enceinte en même temps que moi, le rêve de frangines! Faire un concours de gros nénés! Mais je n'ai pas été présente, je n'ai pas partagé cela avec elle.

Le choc de cette naissance a comme figé tout notre entourage.


Aujourd'hui à la veille des 18 ans de mon fiston, mon corps me réclame cette initiation qu'est l'accouchement. ça peut sembler paradoxale de ne pas se sentir entièrement mère après 18 années en tant que maman. Mais c'est puissant, ça me saisi au ventre maintenant.


Mon fils et moi ne sommes pas allés au bout du processus, du projet. Il est temps pour moi que je naisse totalement en tant que mère et pour ce faire, je sais que je dois vivre cette initiation.

La première étape a été de réintégrer la partie de moi que j'avais laissée sidérée. C'est fait. Maintenant, je suis prête et complète pour vivre cette mise au monde symbolique que mon corps réclame de traverser.


Je sais que je ne le fais pas uniquement pour mon moi passé/présent/futur.

Je sais que mon fils a aussi besoin que je vive cette initiation pour pouvoir prendre pleinement sa place.


Christine OMIKAMI©



Remerciements :


Ces jours-ci, depuis que ce texte se présente à moi, j'ouvre enfin les yeux, je sors du brouillard de cette période et je peux vous garantir que je reçois de nouveau mais cette fois-ci en pleine conscience, tout l'amour que nous avons reçu à l'époque. J'en profite pour exprimer toute ma reconnaissance, mon amitié et mon amour.


Un grand big up aux équipes des services de réanimation et de néonatalogie de l'hôpital Morvan de Brest.

Un grand câlin aux amis de l'époque, présents, attentionnés qui ont été curieux de rencontrer le premier bébé du groupe et qui ont participé à notre emménagement (pendant que moi je tirais mon lait avec une machine de dingue!).

Un grand merci à ma maman toujours juste et présente. A mes sœurs, à ma famille, à ma famille de cœur. Et à toi ma grande amie qui a créé le tout premier contact et fait le pont entre nous et notre fils. Merci de me permettre de te confier aujourd'hui une nouvelle mission...








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